Vous me permettrez d’ajouter brièvement un peu de ce que je retiens de Bernard et de Jean.

• Pour nous les prêtres, Bernard nous a beaucoup apporté par son regard précis sur les situations de vie, son recours à des analyses rationnelles rigoureuses et à des sciences, pour mieux voir comprendre les causes des situations et comment accompagner des personnes en lien avec des mouvements dont il se réjouissait de voir comment ils leur permettaient de grandir humainement et dans la foi. Avec nous, il le faisait de façon fraternelle, après avoir bien écouté. Cela reste un appel pour nous.

• Jean, comme prêtre ouvrier et comme syndiqué, ne s’en laissait pas compter sur les situations où il sentait des injustices même habillement dissimulées. Il persévérait dans l’action solidaire avec des collectifs, même quand, il devenait plus difficile de mobiliser parce que d’autres voix semaient le fatalisme, la désinformation ou l’individualisme. Il a été cette présence de notre Eglise auprès de ceux qui servaient par leur action les droits de tous les travailleurs et ce témoin que l’Esprit de Dieu, aussi, les habitait. Il a vécu un ministère de première annonce, dans le compagnonnage de l’action, tellement précieux quand la parole de l’Eglise se fait trop surplombante, trop moralisante ou trop éloignée de la réalité des travailleurs, voire étrangère. Cela reste un appel, pour nous prêtres, dans la manière de vivre notre service de la Parole.

• Les témoignages, que nous avons écoutés, ont évoqué, de la part de ceux qui nous les ont exprimés tout à l’heure, quelques-uns des appels que nous pouvons accueillir en relisant leur vie. Bernard et Jean ont vécu, toute leur vie de prêtres, au service de la Mission Ouvrière, que ce soit auprès de membres des mouvements, que ce soit auprès de travailleurs, ou en partageant leurs conditions de travail comme prêtre ouvrier. En allant à la rencontre des autres, ils ont écouté la parole d’enfants, de jeunes, d’adultes dont la vie dépend beaucoup de décisions prises par d’autres, sans que soient pris en compte ni leur avis ni les conséquences de ces décisions sur leur vie. Bernard et Jean ont participé, encouragé et été témoins des initiatives d’enfants, de jeunes et d’adultes, de leurs difficultés, de leurs solidarités et de leurs joies, de ce qu’ils rêvaient, de ce qu’ils croyaient et espéraient…Ils ont perçu en eux un visage du Christ et ont fait route avec eux. Aujourd’hui, nous avons pu entendre ce que cela a fait dans leur cœur, leur vie, comment leur chemin s’est ouvert…Bernard et Jean ont répondu à l’appel du Christ à le suivre, à devenir des serviteurs des personnes des milieux populaires qui sont, elles aussi, dans le cœur de Dieu, aimées de Lui. Ces personnes, nous tous et d’autres, Dieu les comble de ses dons et les appelle à faire Eglise, à devenir un peuple au service de son amour. Il croit en elles. Comme ceux qui ont témoigné tout à l’heure, beaucoup parmi nous pourraient ajouter d’autres facettes de la vie de Bernard et de Jean qui nous parlent pour continuer nos chemins de vie, au service de la mission toujours nouvelle où le Christ nous appelle. Continuons de les garder dans nos cœurs, d’en accueillir les appels. - Mais si nous ne pouvons pas tout exprimer aujourd’hui du témoignage que Bernard et Jean nous laissent, chacun avec ses richesses personnelles, nous pouvons être sûrs d’une chose : Celui qu’ils ont servi, Lui, continuera de nous appeler, de nous éclairer, de nous guider dans cette mission à vivre au cœur des réalités changeantes, d’une société en pleine mutations et qui fait bien peu de place aux « petits ».

• La question qui demeure pour nous c’est d’être assez à l’écoute pour entendre les appels que Dieu nous adresse et nous adressera encore à partir des réalités de nos vies et à la lumière des évangiles : appels à vivre solidaire, à tenir une responsabilité dans un club, une équipe de révision de vie, un accompagnement, appels à aller vers d’autres, à écouter, se laisser interroger, proposer… Alors nous pourrons recevoir encore de Dieu la confiance, qui permet à chacune et chacun de répondre à ses appels selon les dons que Dieu lui fait. Parmi ces appels, il y en a un qui, pour nous peut-être plus important parce qu’il va être un choix pour toute notre vie : choix de mettre notre confiance dans le Christ, choix de le servir dans une vie donnée par amour, choix du mariage, de la vie consacrée, du ministère de diacre ou de prêtre. Des choix différents mais qui sont tous des choix de servir et d’aimer de l’amour même de Dieu que Jésus nous a révélé et que l’Esprit de Dieu ne cesse de nous faire découvrir.

• Pour l’apôtre Paul, il n’y a pas de vocation supérieure ou inférieure. Toute vocation vient d’un seul Seigneur, d’un seul Dieu et Père. Toute vocation nous appelle à une seule espérance, celle de marcher vers l’épanouissement et le rassemblement de tous dans le Christ. Voilà l’espérance qui nous est donnée lorsque nous choisissons d’engager notre vie à la suite du Christ. Dieu appelle chacune et chacun de nous mais ce n’est pas pour nous entretenir dans une illusion. C’est un engagement de sa part aussi, un engagement d’amour, pour notre bonheur, un bonheur partagé avec les autres, un bonheur d’aimer et de servir la grandeur et la liberté de chacune et chacun, non pas de le dominer, ni de l’asservir.

• Aujourd’hui, en mission ouvrière comme dans l’Eglise de France, il y a moins de prêtres. Dans les mouvements, il y a une vingtaine d’années ils étaient encore nombreux, ils étaient prêtres en paroisse ou prêtres ouvriers et accompagnaient des responsables de club ou d’équipe JOC aux journées de formation, ils participaient aux équipes de révision de vie et de conduite des mouvements. Aujourd’hui, ils ne sont que très peu, donc ils sont présents différemment ou peuvent manquer. Pourtant, Bernard, Jean et bien d’autres ont témoigné que répondre à cet appel à être envoyés comme prêtre, permettait à beaucoup des membres des mouvements de se découvrir eux aussi aimés de Dieu, unis dans le Christ et envoyés avec d’autres en mission, comme partie prenante d’un peuple plein de diversités mais ouvert à d’autres et faisant Eglise avec tous. Dans vos mouvements, le ministère de prêtre vous est donné pour vivre les diversités comme des richesses dans l’unité. Ce qui peut nous demander des conversions afin d’être en mesure de témoigner de l’invitation du Christ, largement et constamment. Le peu de prêtres doit tous nous interroger sur ce que nous attendons d’eux pour vivre la mission avec nos mouvements, sur la façon dont nous relions cette mission avec Celui qui en est la source ! Il dépend de tous que cet appel soit mieux entendu, regardé comme un beau projet de vie. Mais ce peu de prêtres est aussi à saisir comme une chance pour vous laïcs de découvrir davantage vos responsabilités propres, pour vivre dans la foi au Christ et participer à sa mission : il y a différents appels pour une même mission avec vos mouvements, mais ce sont tous des appels à vivre unis dans un seul Esprit et à vivre l’aller vers les autres, chacune et chacun selon les dons reçus.

• Enfin, en mission ouvrière et dans toute l’Eglise, il y a des hommes mariés ou non qui sont envoyés comme diacres. Ils sont envoyés pour être signes du Christ qui s’est fait serviteur de ses disciples et des plus petits. Ils sont le signe que la manière de vivre la mission de l’Eglise, pour tous, ne peut être qu’un service humble et gratuit des autres. Ils nous rappellent que toute vocation dans l’Eglise ne peut-être qu’un service des autres et prioritairement de celles et ceux qui sont oubliés, moins reconnus. Ils sont le signe vivant que nous sommes appelés à vivre la mission non sur le mode de la mise en valeur personnelle et de la performance, mais sur le mode du service des autres et du don de nous-mêmes. N’est-ce pas un signe essentiel pour éviter certains écueils dans la façon de vivre la mission et ne pas oublier que le Royaume de Dieu s’approche de nous quand les plus petits peuvent se lever et marcher ?

• « Nous te rendons grâce, Seigneur, pour Bernard et Jean, que tu nous as envoyé comme prêtres, pour être et devenir, parmi les travailleurs, un peuple d’envoyés en ton nom.

• Nous te rendons grâce, pour les diverses vocations que tu suscites et fait grandir en mission ouvrière. Garde-nous disponibles à ton appel, heureux de la confiance que tu nous fais pour ensemble être davantage servantes et serviteurs de Ta Bonne Nouvelle en tous lieux. »

Xavier Martin et Agnès Delepoulle